Un album classé, quatre films derrière elle et bientôt un cinquième tourné en Inde, Elsa grimpe aussi vers les sommets!
L’adolescence, ses affres, ses joies et sa vue imprenable sur le monde. Tiers-Monde, demi-monde, beau monde ou monde à part, tout est une question de nuances. Et de chansons. Plus de vingt ans plus tôt, les porte-drapeaux en jupons de cet univers nous la jouaient — et chantaient — plutôt… écervelées. «Donne-moi ta main et prends la mienne, mais oui, mais oui, l’école est finie», s’époumone l’une. Une autre peste contre ce «Sacré Charlemagne qui a eu cette idée folle d’inventer l’école» avant de se pencher, la pauvre inconsciente, sur les tribulations d’une certaine Annie qui aime trop les… sucettes ! Cette époque youp-la-boum révolue, viennent les années 70. Mai 68 oblige, les lendemains y chantent à tue-tête, mais pas les nymphettes, muettes et absentes. Dix ans plus tard, la flamme vacillante de la soldate inconnue est ranimée par une créature délurée répondant au nom de Lio. Celle-ci vante les joies ambiguës, voire étroitement liées, du «Banana split» et des «Amoureux solitaires». Succès immédiat et couvertures de magazines, mais toujours pas de retombées «lolitesques» durables. Il faudra attendre 1987 pour que le mouvement de libération des BB (belles boutonneuses) déferle sur le monde. Aux États-Unis, le royaume des singing baby dolls connaît sa bataille d’Hernani avec deux prétendantes se disputant le trône comme de vulgaires chiffonnières. À ma droite, Tiffany, quatorze ans à l’époque, et couvée par un très possessif manager. À ma gauche, Debbie Gibson, un poil plus âgé que sa rivale, interprète — mais aussi auteur — de mélodies rythmées. Très célèbres dans leur pays, ces donzelles ont pourtant bien du mal à s’imposer en France et pour cause : le terrain est déjà conquis par de craquantes petites reines du Top 50, Elsa et Vanessa Paradis. A mille lieues de l’univers sulfureux de ladite Vanessa, Elsa se fond dans un moule mêlant astucieusement fraîcheur et nostalgie. Entourée par une fidèle équipe d’auteurs-compositeurs (dont son père, Georges Lunghini, également son photographe attitré), la miss n’a pas sa pareille pour évoquer les tourments d’une période délicate, jonction entre l’enfance ouatée et l’âge adulte. Loin de passer sous silence cette troublante parenthèse de vie, Elsa répond à sa façon à l’éternelle question «À quoi rêvent les jeunes filles?». Flirts ludiques («À la même heure dans deux ans»), idéalisés («Jamais nous») ou rêvés («Quelque chose dans mon cœur»), condamnation du racisme et de l’apartheid («Sud Africaine»), autant de thèmes touchant une colonie entière de fans acquis d’avance. Et le rock dans tout ça, s’interrogent les grincheux de service? Car, enfin, avec ses pulls larges, ses bouclettes savamment disposées et sa douce voix, Elsa se place aux antipodes d’une culture largement répandue chez les treize/dix-huit ans et plus. Il est pourtant absurde de reprocher à l’intéressée d’être plus pastel que destroy ou plus soft que hard : latine elle est, latine elle reste. Irrémédiablement. Les excentricités des divettes d’antan cèdent ici la place à un profil bas et une indéniable lucidité. Anti-grosse tête par excellence, Elsa évite comme la peste les pièges de la célébrité et son cortège de flatteurs. «Je rêvais d’être célèbre et le rêve s’est réalisé, déclare-t-elle à un hebdomadaire il y a un an. C’est à la fois dur et génial. J’en ai pris conscience quand on a commencé à me demander des autographes et à me reconnaître dans la rue. Ça fait bizarre et un peu peur, parce qu’on est soudain obligé de penser à l’avenir. Parfois, c’est agaçant aussi, parce que des gens que je connais et qui ne m’ont jamais dit bonjour ont cherché à être copains avec moi après mon premier disque. Alors, ceux-là, je les vois venir à deux kilomètres et je les envoie sur les roses… J’espère que je n’aurai jamais la grosse tête. Je pense que plus j’aurai de métier, moins j’aurai de chance d’avoir la grosse tête. En plus, je vis dans ce milieu du showbiz depuis que je suis toute petite et je n’ai jamais été impressionnée. À trois ans, j’accompagnais déjà mon père en tournée. Il jouait Judas dans « Godspell ». Pas grand-chose ne me perturbe à ce niveau-là». Précoce, vous avez dit précoce? À sept ans, Elsa donne la réplique à Michel Serrault dans «Garde à vue» de Claude Miller puis, quelques années plus tard, à Charlotte Valandrey dans «Rouge Baiser» de Vera Belmont. À treize ans, elle incarne la fille de Birkin et de Malavoy dans «La femme de ma vie» dont elle chante le thème principal, «T’en vas pas», qui la propulse aux premières places du Top 50. Lancée à l’assaut du hit-parade, l’ado prodige délaisse le grand écran pour la petite lucarne et quelques galettes de vinyle. Une participation à «Où que tu sois» d’Alain Bergala en 1986, un tournage au printemps prochain en Inde sous la houlette de Charlotte Dubreuil, et voilà la miss prête à zapper sa gloriole Top 50 contre une conquête du box-office. Ou, dans le meilleur des cas, à alterner. Voilà tout le mal qu’on lui souhaite…