Le premier « Parrain » fut conçu comme un roman d’aventures ou de chevalerie. II y avait un roi entouré de trois princes. C’était un film sur le pouvoir. Il contenait cependant une attaque assez dure contre la Mafia, mais le message a échappé à un certain nombre de gens, peut-être parce que la force des personnages voilait la critique. « Le parrain n° 2 » est, pour moi, une occasion de rectifier cela déclarait Coppola en 1975, pour expliquer ses intentions. Tout n’est pourtant pas si simple. Dans aucun des deux films, le terme de « Mafia » n’est prononcé. Et pour cause ! L’organisation a, en effet, réussi à faire interdire, aux États-Unis, toute utilisation officielle du mot, prétextant que ce vocable constituait une atteinte raciste à l’image des Italo-Américains. A partir de ces deux films, et d’éléments qu’il n’avait pu ou voulu intégrer dans les versions grand écran, le réalisateur avait concocté cette longue série télévisée rachetée, semble-t-il, très cher, par A 2. Dix heures, ce n’est pas trop pour cette saga des mafiosi, sanglante et d’autant plus complexe que « Le parrain n° 2 » a brouillé les cartes de la chronologie. Dans « Le parrain n° 1 », Coppola raconte la chronique d’un empire que déchirent guerres civiles et révoltes de palais, mais porté au faîte de la puissance par son chef, Vito Corleone, admirablement incarné – à l’écran – par Marion Brando, monstre sacré au masque bouffi, car, rôle oblige, il devait parler avec du coton dans la bouche. Dans le « Parrain n° 2 », Coppola s’intéresse, cette fois, à la naissance de cet empire et à sa métamorphose, le jour où il tombe entre les mains de la seconde génération. Un jeune loup aux dents longues – Vito Corleone, le futur « parrain » – et un businessman solitaire et désabusé – Michael Corleone, fils et héritier de ce même parrain – sont les protagonistes de ce nouveau film. Deux époques. Deux hommes, deux conceptions du pouvoir… Sans cesse enchevêtrés par de nombreux play-back, ces deux récits peuvent dérouter le téléspectateur qui n’aurait pas présente à l’esprit la généalogie de la famille. Car cette double intrigue nous fait passer du début du siècle – 1901, avec l’arrivée d’un petit Sicilien de 9 ans, à New York, et qui va grandir dans le quartier de la petite Italie – à 1958, à Lake Tahoe Nevada, quand son fils, Michael, héritier de l’empire, doit se battre sur tous les fronts. Si « Le parrain n° 1 » fut un coup superbe pour les trois producteurs, la partie n’était pas gagnée d’avance. A l’origine, la Paramount, qui allait produire « Love story », cherchait un réalisateur pour un film auquel peu de personnes croyaient : l’adaptation du best-seller de Puzo. Vingt cinéastes de renom sont contactés, notamment Kazan, Costa-Gavras ou Brooks. Les uns n’aiment pas le sujet, les autres ne sont pas libres ou trop chers. Trente comédiens sont pressentis, Laurence Olivier ou Anthony Quinn par exemple. Pourquoi Coppola ? A posteriori, chaque producteur s’attribue la découverte. Et, aujourd’hui, le mystère demeure. Quant au tournage, il sera hallucinant. Les producteurs changent de scénario, recomposent une fin, gonflent le budget. Les problèmes sont légion. Personne ne croit, par exemple, en Marion Brando, vieux cabot de 47 ans. Quant à la Mafia, elle s’oppose au tournage. Joe Colombo, le porte-parole des Italo-Américains, est abattu durant le tournage. Un jour, enfin, Coppola, assis dans un coin du studio, entend deux techniciens discuter : « Ce type ne sait foutrement pas ce qu’il fait. Il tourne n’importe quoi »…